Parmi les nombreux livres que j’ai lus récemment concernant le futur du travail, il y a un classique écrit dans les années 1990: La Cinquième Discipline de Peter Senge. J’en ai parlé brièvement dans Qu’est-ce que l’organisation intelligente ? Un passage est particulièrement intéressant, car il met l’accent sur l’importance de la pensée systémique pour contrer la complexité dynamique. Ne vous inquiétez pas, j’utiliserai un exemple simple pour expliquer les bases.
Comprendre les bases de la pensée systémique avec un exemple
Selon Peter Senge, il n’existe pas d’exemple plus poignant que la course aux armements entre les États-Unis et l’U.R.R.S. lors de la guerre froide.
À la base, ces 2 puissances de l’époque n’étaient pas nécessairement en faveur de l’arme nucléaire. Il partageait plutôt une façon de pensée linéaire qui ressemblait à ceci pour les États-Unis:
Armement U.R.S.S. –> Menace pour les américains –> Besoin d’augmenter l’armement des États-Unis
Alors que pour l’U.R.S.S., c’était plutôt ceci:
Armement États-Unis –> Menace pour les soviétiques –> Besoin d’augmenter l’armement de l’U.R.S.S.
Chaque pays prenait l’autre comme l’agresseur et s’armait en conséquence pour se défendre.
Or, le système réel était plus un cercle où les variables des 2 visions linéaires s’influençaient:
Cette façon de « voir » la situation ne faisait qu’empirer celle-ci. Le résultat attendu de part et d’autre ne pouvait pas voir le jour.
Complexité dynamique et pensée systémique
L’exemple de la course aux armements est un cas de complexité dynamique. Une même action a des effets dramatiquement différents à court et long terme.
Pour permettre la pensée systémique, il faut un changement d’état de pensée. Il faut voir:
- des interrelations plutôt que des relations de cause-effet
- des processus de changement plutôt que des instantanés
La pratique de la pensée systémique débute avec la compréhension d’un concept simple appelé rétroaction. Les actions peuvent se renforcer ou se contrebalancer entre elles.
2 archétypes systémiques à (re)connaître
Tous les archétypes systémiques sont créés à partir des blocs suivants:
- rétroaction positive (processus de renforcement),
- rétroaction négative (processus d’amortissement),
- délais.
En voici 2 importants à connaître et reconnaître, car ils sont souvent présents:
Archétype 1: limites à la croissance
Définition: une rétroaction positive est mise en place pour produire un résultat désiré. Cela fonctionne à court terme, mais cela induit en parallèle des effets secondaires (rétroaction négative). Le succès grandissant du départ ralentit après un certain temps.
Principe de gestion: ne poussez pas la croissance. Éliminez plutôt les facteurs qui limitent la croissance.
Archétype 2: le transfert du fardeau
Définition: un problème sous-jacent génère des symptômes qui nécessitent de l’attention. Or, le problème est difficile à cerner alors les gens transfèrent le fardeau en utilisant des solutions qui règlent les symptômes plutôt que le problème lui-même. Il en résulte que le problème s’accentue tout en passant inaperçu, alors que les symptômes ne sont plus apparents.
Principe de gestion: faites attention aux solutions qui ne règlent que les symptômes.
Pour connaître 6 autres types d’archétype, vous pouvez consulter cet article en anglais.
Pourquoi s’intéresser aux archétypes systémiques ?
Beaucoup de situations sont complexes. Il faut aussi réaliser que la tendance est à une plus grande complexification… pour nous simplifier la vie. Un beau paradoxe.
Les archétypes sont omniprésents dans nos organisations. Ils régissent les résultats en temps réel, en fonction de nos actions.
Vouloir simplifier une situation en appliquant une pensée linéaire augmente grandement le risque de causer plus de tort que de bien. Il s’agit d’une pente dangereuse. Il faut plutôt miser sur la pensée systémique et identifier les archétypes présents.